On l’a appelé Prunelle car, dès le premier jour de sa vie, une lueur parasite et inquiétante habitait déjà ses yeux. Comme un brasillement au coin du regard qui se serait allumé alors qu’elle était encore dans le ventre de sa mère. Une braise rouge et vacillante qui donnait à la petite fille qu’elle était, des expressions de parchemins.
Chaque regard qu’elle pose alors sur son père, sa mère, dessine au fond de leur ventre les contours aigus d’un poids : la lourdeur ombrageuse d’un secret.

Le temps des contes est aujourd’hui révolu, et lorsque la misère morale se fait trop pesante, les parents n’ont plus la possibilité d’abonner le Petit Poucet au fond des bois. Mais il existe d’autres formes d’abandons, et de nouvelles forêts sont apparues. On abandonna Prunelle dans l’obscurité du silence ; plus une parole, plus une attention ne fut offerte à la jeune fille et en guise de chemin on mît sous ses pieds une indifférence invisible mais poisseuse.

Car Prunelle est dangereuse, porteuse d’une déflagration en puissance qui pourrait souffler les murs anciens, solides et sacrés de la grande cathédrale du monde. Comment un être si singulier, une goutte de chair dans la vaste mécanique des choses, peut-elle porter en elle un si grand danger ?